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13 août 2018Pour les lycéens en lien avec leur lecture du roman de Chalandon. Au CDI
Mon traître d'après le roman de Sorj Chalandon.
« Mais voilà. C’était comme ça. J’étais rentré
dans la beauté terrible et c’était sans retour. »
Sorj Chalandon, Mon traître, p. 84.
Un dessin au service des mots et des silences
Le dessinateur Pierre Alary a été comme de nombreux lecteurs captivé par l’écriture de l’auteur de Mon traître : « Les mots de Sorj Chalandon m’ont attrapé par le cœur. » Alary a conservé le style nerveux, aux phrases très courtes, percutantes, souvent sans verbe, qui laissent percevoir la puissance évocatrice de cette histoire dans la vie du romancier, devenu luthier dans le livre. L’auteur reprend les phrases in extenso pour « raconter en dessin » comme le souligne Franck Alary : « On est dans les codes de la bande dessinée, ne pas brouiller les pistes… ».
Le dessinateur utilise pour ses cadrages des plans très cinématographiques. Très variés, parfois décalés comme si la violence des sentiments évoqués, ressentis, obligeait à se décentrer. Très souvent orientés sur la posture des corps et les regards, ils disent la souffrance, l’amitié, la vie. Il centre souvent l’image sur les visages, les mains, les yeux, ce qui rend parfaitement bien les tensions et sentiments exacerbés du narrateur, fasciné par la vie et la résistance d’un peuple d’hommes, de femmes, d’enfants. L’espoir aussi qui tient dans le son du violon et le chant, armes si belles et si dérisoire contre la violence : « Alors que les Britanniques lui infligeaient les tortures et la mort, moi j’offrais à l’Irlande ses plus belles musiques »
Le dessin d’Alary sait traduire l’univers des pubs, de l’honneur, des parades militaires, celui des mains sur l’épaule, de la fraternité virile. Il ne se détourne pas de l’arche narrative du romancier en reprenant les mêmes scènes, au même moment de l’histoire racontée. Il reste au plus près de l’écriture du livre avec ses digressions temporelles mais aussi ses éléments historiques véridiques comme le rappel de l’agonie de Bobby Sands mort après soixante-cinq jours de grève de la faim, le 5 mai 1981, pour obtenir le statut de prisonnier politique. L’alternance entre couleur, teintes plus sombres et sépia permet aisément de suivre ces va-et-vient.
De nombreuses vignettes sont livrées sans dialogue, pour rendre compte des émotions, au cœur du travail d’écriture de Sorj. Rester au plus près des mots du romancier par ces silences qui rendent d’autant plus fort la part du verbe. On ressort de ce volume avec l’amertume de la Guiness dans l’âme, mais après une belle leçon de vie et d’humanité dans tout ce qu’elle a de perfectible. C’est là l’essentiel de l’art… nous interroger et rendre l’histoire immortelle.
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